Interview de Gianni (RadikalBugZ)

Imaginez un hangar géant, rempli de VW, de barbus tatoués, le tout sous une musique des années 60. Vous y êtes ? Hé bien vous êtes loin encore de l’ambiance terrible qui règne là ! Ce lieu est rempli d’une coolitude absolue. Une ambiance à l’américaine style West Coast.

Faisons le tour du propriétaire en vidéo ...

Cette fois, on a la chance d’interroger Gianni qui est à l’origine des RadikalBugZ, atelier de custom spécialisé en VW. Tout d’abord, merci d’avoir accepté de faire cette interview à votre atelier !

Est-ce que tu as entendu parler de nous déjà ? Les BARJO族ZOKU ?

Oui il me semble que j’avais déjà entendu parler de vous sur Internet, après les réseaux sociaux ce n’est pas mon truc, mais voilà ... Les BARJO族ZOKU c’est en référence aux bosozoku japonais ? Ou rien à voir ?

Effectivement, c’est en référence aux bozozoku et à leur esprit, on vient de nulle part et on voulait surtout faire chier des gens qui pensent détenir la vérité sur le style qu’une voiture doit avoir. Après c’est peut- être uniquement dans le monde de la japonaise que cela se passe comme cela, mais je connais assez peu le monde VW pour m’avancer …

Ah oui, c’est vrai qu’il y a encore des gens comme ça … Dans le milieu VW c’est un peu pareil, il y a une différence de classe dans laquelle il y a un côté très « jet set », « pseudo-VIP », basé sur les pièces, sur les jantes, le type de pneu, etc. Par définition, si tu n’as pas cela, tu ne fais pas partie de cette élite. C’est un peu comme le monde féodal, tu as les seigneurs et ceux qui n’ont pas cela, ce sont les paysans.

Dans le monde de l’air-cooled, tu gagnes de la classe à la renommée de l’endroit où tu vas faire le boulot sur ta voiture. C’est le malheur chez nous, il y a des gens qui travaillent très bien et qui restent dans l’ombre pendant que d’autres privilégient les paillettes et les magazines : ils font des pages parce qu’ils ont de l’argent.

C’est pareil pour les « tuners », on a des petits jeunes qui débutent en mode étoile filante (petite trainée d’étincelles dans le ciel). Ils ont fait une voiture à moitié, ils sont passés dans un magazine, en calquant littéralement ce qu’ils ont vu ailleurs.

Je vais de moins en moins dans les meetings à cause de cela : il y a une trop grosse frontière où tu as les « VIP », enfin les « fake VIP », les mecs ils bossent à pause et ce qu’ils ont reçu, ils l’ont dépensé pour faire leur custom chez des gens qui ont le vent en poupe ou passent leurs temps dans les magazines, et les autres, qui n’en ont rien à foutre et bossent à leur manière avec leurs propres moyens, en silence.

À vrai dire, je ne vais aux évènements que pour me retrouver avec les potes et pour mon gamin qui aime le circuit. Le but d’un évènement, c’est de partager, mais aussi de rouler. On a plus de plaisir à prendre la route, rouler ensemble, boire un coup et manger. Souvent, on se fait chier royal dans les meetings parce que l’on s’est amusé en chemin avant. Parfois on a des pannes, on répare et on repart, le show VIP, ce n’est pas pour nous.

En parlant de meeting, pour l’anecdote, à l’époque, quand on avait plus de place, j’avais tenté un meeting où allaient se rencontrer des véhicules de toutes origines. Étant ouvert à toutes les voitures et pas spécialement qu’aux VW (quand une voiture est cool je sais le reconnaître et la contempler), j’avais donc invité tout le monde et un groupe de Japonaise, en particulier, s’était approprié un petit espace. Et j’ai constaté que les gens de VW allaient à la rencontre des Japs’, mais pas l’inverse, ce qui était vraiment dommage.

Les RadikalsBugZ, c’est donc une manière de contrer tout cela avec des voitures bien à part qui font parler d’elles-mêmes par le passé ou de nos jours avec des préparations qui sortent du lot !

Moi personnellement je m’inspire du monde de la moto, du nascar, et de plein d’autres secteurs pour en faire des modifications à ma sauce. J’ai par ce fait plein d’idées qui débarquent et je me lance dans leur réalisation. Évidemment, j’ai des gens qui me disent que ça ne marchera pas. Mais quand ils voient le résultat, ils finissent par s’en inspirer directement, mais de façon discrète, c’est un peu de gloire volée. Je ne demande rien, mais un retour, un peu de reconnaissance ou même un merci d’homme à homme serait sympa.

Depuis combien de temps est ce que tu es dans le monde VW ?

Je suis ma passion depuis 25 ans maintenant. Nous sommes depuis 18 ans dans le monde auto et présent sur Internet et les réseaux sociaux depuis 2004. Je ne suis pas près de m’arrêter !

Depuis peu je vois d’autres trucs débarquer chez RadikalBugZ : des gros paquebots américains. Pourquoi ce changement ?

Ayant toujours aimé les américaines, je me suis fait un réseau de connaissances et de contacts pour faciliter mes importations. À tel point que j’ai la capacité de me rendre là-bas, de faire les papiers et de déposer la voiture aux docks moi-même. Du coup, j’ai commencé avec une voiture, puis deux, et les autres ont suivis.

Le deuxième point, ce sont les prix hallucinant des VW qui ont littéralement flambé. C’est devenu un marché spéculatif à cause des pubs, des magazines ou du cinéma. Et VW n’est pas la seule marque touchée, on en retrouve également chez les japonais. Les voitures dont personne ne voulait à l’époque ont soudainement gagné un attrait démesuré. C’est donc pour cela que je me suis intéressé aux américaines.

Elles offrent aussi d’autres avantages, par rapport à une Cox avec son moteur en sac à dos et leur étroitesse, l’américaine à un putain de potentiel : tu as de la place, ça pousse, ça chante méchamment, etc. C’est un autre monde.

Est-ce que cela veut dire que l’on verra de moins en moins de VW au profit des américaines ?

Non, je continue des projets pour d’autres personnes. Par exemple, je viens de greffer un découvrable (toile de toit) sur une 58 posée sur air. Je bosse également depuis 5 ans sur une nouvelle génération de « droppage » (rabaissement de la caisse) de mon propre cru, en proposant pas mal d’options et d’adaptations à nos routes humides. Ce sont de grosses modifications techniques que peu de gens osent faire, mais cela prouve qu’il y a toujours moyen d’innover dans le monde auto.

Le fait que je penche pour les américaines est qu’il devient impossible d’acquérir un combi, une ovale, un Karman, pour un prix décent. Prenons un combi Barndoor, même dévasté et rouillé, un vendeur peut en retirer entre 30.000 et 50.000 €, le moteur tourne, çà freine, mais c’est loin de l’irréprochable. Les gens s’arrachent littéralement ce qui coutait alors 700 € quand j’avais 15 ans.

J’ai aussi fait le tour des modèles que je voulais. Je vends un Karman parce qu’il y était destiné. Mais le reste est une collection personnelle, comme une split, un K70, un bus et d’autres modèles, que je garde pour moi & mon petit garçon.

Bref, plein de projets en réserve et je n’abandonne pas VW, ayant acquis toute la connaissance avec les années. Les américaines c’est un nouveau domaine que je découvre.

Il y a d’autres trucs qui te bottent comme ça ?

Après les VW et les américaines, j’affectionne également la moto. Plus jeune, je volais celle de mon père pour aller faire un tour la nuit. Jusqu’au jour où il avait relevé le compteur kilométrique et m’a grillé : je n’ai plus jamais revu la clé. Mais voilà, c’est une transmission de passion qui vient également de mon père. Lui-même possède le combi qui est dans l’atelier.

Parlons un peu de ton garage sur le web, c’est pas mal de likes, de photos et de vidéos qui mettent l’eau à la bouche, quels retours as-tu eus ?

Merci, mais à part quelques vidéos-live pour montrer notre boulot, je ne m’occupe pas de la partie web, je n’ai matériellement pas le temps de m’occuper de cela (dixit Dikkenek). Tout ce que tu vois, c’est grâce à mon pote Bob Budniewski en qui j’ai une confiance totale. Je ne compte pas les likes, le but, c’est de partager.

Nous avons néanmoins eu une belle expérience où nous avons eu la visite des Thaïlandais du CB Customs Work. Des stars mondiales de BMX qui avaient eu pour projet de venir visiter l’atelier et découvrir nos créations. Ils ont eu une révélation et ont acheté des VW. Nous avons eu des milliers de merci par la suite aussi, pour les avoir reçu à l’atelier.

N'est-ce pas un peu risqué de mettre à vue un atelier tel que celui-ci sur le web ?

Quand ton pote me demande s’il doit garder des trucs secrets ou quoi que ce soit, qui ne devrait pas sortir à l’extérieur. Je lui réponds « non, je n’ai pas de secret ». Je suis là pour la passion, alors je partage mes expériences et constructions avec tout le monde, ça me fait plaisir. Le web nous a été utile lorsque l’on s’est fait boycotter. Les réseaux sociaux ont permis de contourner ça. Mais au final, on s’en fout, on n’est pas payé aux likes.

Les Thaïlandais rêvaient de venir bosser chez moi le temps de leur séjour. Ça a été un réel partage, car ils étaient respectueux de notre travail et n’ont carrément pas hésité à faire le chemin pour filer un coup de main.

Si l’on pouvait tous travailler dans une vraie communauté comme celle-là, ce serait super cool. C’est probablement pour ça que l’on reste un peu marginal et que le « VIP » ne nous intéresse pas.

Chez les BARJO族ZOKU on préfère se faire détester de prime abord, on ne soigne pas notre image, le but étant que l’on parle de nous que ce soit en bien ou en mal. On est là pour partager nos visions, rien de plus. J’avais donc une certaine appréhension à rencontrer le RadikalBugZ qui semble plus imposant par sa réputation.

Ce sont les gens qui ont donné cette image aux RadikalBugZ. Cependant j’en suis parfois ennuyé, parce que les gens n’osent pas m’aborder pour discuter ou me dire les choses.

De même on dit que nos réalisations sont chères, alors que nous pratiquons des prix corrects. Ce ne serait pas sans remettre un peu la faute aux fanas de publicités dans les magazines qui eux, se font effectivement payer une fortune, parce qu’ils ont le vent en poupe. Cela dit, on n’a rien sans rien, je me dois de rendre le garage rentable pour supporter les frais qui m’incombent.

Si je suis aujourd’hui un peu irrité par les éditeurs de magazine, c’est parce que certains d’entre eux ont essayé de nous boycotter, en critiquant notre travail, le fait de rabaisser ou de laisser des classiques dans leur jus. Ces mêmes personnes, qui une fois avoir constaté que la « mode » adoptait notre style, m’ont subitement proposé des interviews, que j’ai bien évidemment refusés. Ce n’est pas de faire de l’argent qui m’intéresse, mais de partager une passion.

Cela dit, nous avons eu droit à un chouette article sur nous au sein du Super VW Magazine. C’est intéressant d’avoir un retour extérieur sur notre boulot.

Au niveau du monde auto qu’est ce que tu regrettes de ne pas avoir ?

J’aimerais faire plus connaissance avec des gens prêts à effectuer de vraies modifications, c.-à-d. sans demi-mesure. On droppe, on découpe, on soude, on sort de la monotonie et du monde de la copie, on sort des trucs sans fautes de goût, on abandonne le Oldschool et le Drag Nostalgia. Bref, on passe à de la pure création ! Je n’ai jamais suivi la mode et je reste fidèle à mon propre style. J’aime les voitures rabaissées, ce ne sera peut-être plus à la mode plus tard, mais je continuerai. J’ai commencé avant que ça ne soit « à la mode » et je continuerai quand ça ne le sera plus.

Plus de photos : Adrien素人Photography
Vidéo Clip : LRY Production
Mention spéciale à : Ombre Blanche pour la rencontre avec les RadikalBugZ
Support : BARJO族ZOKU